Le cumul emploi retraite reste une exception en France, alors que seulement 58% des 55-64 ans sont en emploi, contrairement à près de 75% en Allemagne et 78% en Suède. Cette réalité frappe encore plus lorsque nous constatons qu'en 2025, seulement 4,6% des retraités français (environ 710 000 sur 15,4 millions) combineront travail et pension. Pourtant, ce dispositif présente des avantages financiers significatifs : en 2020, les retraités du régime général qui cumulaient activité et pension touchaient, en moyenne, 20% de plus que l'ensemble des retraités.
Nous assistons aujourd'hui à une transformation majeure des règles du cumul emploi-retraite avec l'arrivée de nouvelles conditions en 2025. Ces changements affecteront notamment les plafonds de revenus et les critères d'éligibilité au dispositif. En effet, les données montrent que le cumul dure généralement trois à quatre ans et génère en moyenne 9 000€ annuels de revenus complémentaires. Cependant, certains abus ont été identifiés : plus de 15% des bénéficiaires avaient des revenus salariaux annuels supérieurs à 100 000€ tout en recevant une pension moyenne de 61 000€. Face à cette situation, les autorités ont décidé d'agir pour rééquilibrer le système.
La réforme 2025 modifie les règles du cumul emploi-retraite
Le système de cumul emploi-retraite français connaît en 2025 une transformation majeure. Ce dispositif, instauré depuis la création du système de retraite en 1945, a subi plusieurs modifications au fil des grandes réformes de 2003, 2014 et 2023. Aujourd'hui, de nouvelles règles bouleversent les droits des retraités qui souhaitent poursuivre une activité professionnelle.
Pourquoi la réforme a-t-elle été jugée nécessaire ?
Dans un contexte économique difficile, les autorités cherchent activement des solutions pour assainir les finances publiques. C'est dans cette optique que le 26 mai 2025, la Cour des comptes a publié un rapport intitulé « Le cumul emploi-retraite : un coût élevé, une cohérence à rétablir ». Ce document pointe du doigt plusieurs dysfonctionnements du système actuel.
En effet, l'instance décrit le dispositif comme un « effet d'aubaine » pour certains bénéficiaires. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2020, environ 710 000 personnes profitaient du cumul emploi-retraite en France, soit seulement 3,8% des retraités de 55 ans et plus en 2022. Néanmoins, cette minorité cache d'importantes disparités.
Par ailleurs, 15% des bénéficiaires cumulaient des revenus annuels dépassant 100 000 euros avec une pension moyenne de 61 000 euros. Ces montants sont nettement supérieurs à la moyenne nationale des pensions qui s'établit à 18 000 euros. Cette situation a conduit les pouvoirs publics à repenser fondamentalement le dispositif pour limiter ces excès tout en préservant son utilité sociale.
Quels objectifs visent les nouvelles mesures ?
La réforme 2025 poursuit plusieurs objectifs stratégiques :
Rééquilibrer un système jugé trop favorable aux hauts revenus
Générer entre 500 et 550 millions d'euros d'économies annuelles
Contribuer à la réduction du déficit public français, estimé à 40 milliards d'euros pour 2025
Inciter les actifs à prolonger leur carrière plutôt qu'à opter pour un départ anticipé
Ainsi, les nouvelles mesures visent à rendre le cumul moins attrayant pour les personnes aux revenus élevés. La stratégie consiste à les orienter davantage vers le dispositif de surcote plutôt que vers un départ anticipé suivi d'un cumul emploi-retraite. D'après les analyses de la Cour des comptes, cette réorientation devrait conduire à ce que seuls les retraités aux revenus modestes continuent à choisir cette option.
Face à une pension de retraite faible, le dispositif de cumul emploi-retraite demeure un outil précieux pour augmenter ses revenus et améliorer son pouvoir d'achat. C'est pourquoi les plafonds ont été revus à la hausse en 2025 pour s'aligner sur la valeur du SMIC, préservant ainsi l'intérêt du dispositif pour ceux qui en ont réellement besoin.
La réforme s'inscrit également dans la continuité des changements initiés par la loi du 14 avril 2023 portant réforme des retraites. Cette dernière avait déjà introduit des modifications importantes, notamment la possibilité d'acquérir de nouveaux droits à retraite en cas de cumul emploi-retraite intégral, entrée en vigueur le 1er septembre 2023.
Le cumul intégral devient plus restrictif avant 67 ans
Le dispositif de cumul emploi-retraite intégral subit une transformation significative en 2025. Contrairement au cumul plafonné, ce mécanisme permettait jusqu'à présent de percevoir l'intégralité de sa pension tout en continuant à travailler sans limitation de revenus. Cependant, les nouvelles règles restreignent considérablement l'accès à ce privilège, particulièrement pour les personnes n'ayant pas encore atteint 67 ans.
Quelles sont les nouvelles conditions d'accès ?
Pour bénéficier du cumul intégral en 2025, je constate que les conditions deviennent plus strictes. En effet, il est désormais impératif d'avoir liquidé toutes ses pensions personnelles de base et complémentaire, françaises et étrangères, à taux plein. Le cumul intégral reste accessible dans deux situations principales :
À partir de 67 ans, âge d'obtention automatique du taux plein, indépendamment du nombre de trimestres cotisés
Entre 62 et 67 ans (ou 64 et 67 ans pour les générations nées après 1968), uniquement si l'on dispose du nombre complet de trimestres pour le taux plein
Par ailleurs, une restriction supplémentaire s'applique : en cas de reprise d'activité chez le dernier employeur, un délai de carence de six mois doit être respecté. Cette mesure vise explicitement à "décourager des liquidations de retraite prématurées au détriment de la recherche du taux plein ou de la surcote".
Comment l'âge du taux plein devient un seuil clé ?
L'âge de 67 ans constitue désormais un seuil déterminant dans le dispositif. Avant cet âge, l'accès au cumul intégral est soumis à des conditions strictes de durée d'assurance. À partir de 67 ans, en revanche, le cumul partiel se transforme automatiquement en cumul intégral.
Cette distinction par l'âge n'est pas anodine. En 2021, plus de la moitié (55,4%) des retraités cumulant emploi et retraite avaient 65 ans ou plus. Néanmoins, la proportion de personnes concernées diminue avec l'âge : 32,1% des retraités de 55-59 ans, 8,4% des 60-64 ans, 5% des 65-69 ans et seulement 1,3% des 70 ans et plus.
Entre 2014 et 2021, la part des 60-64 ans parmi les bénéficiaires a d'ailleurs significativement diminué, passant de 46,5% à 33,9%. Cela s'explique notamment par le recul de l'âge légal de départ instauré par la réforme de 2010.
Quels profils sont les plus impactés ?
Les restrictions touchent principalement les retraités aux revenus élevés qui utilisaient ce dispositif comme stratégie d'optimisation financière. En 2020, environ 15% des bénéficiaires âgés de moins de 67 ans avaient des revenus salariaux annuels supérieurs à 100 000 euros tout en percevant une pension moyenne de 61 000 euros.
L'étude des profils révèle également des disparités significatives :
16,3% des retraités en cumul exercent une activité d'artisans, commerçants ou chefs d'entreprise, contre 8,4% des actifs seniors non retraités
25,5% occupent un emploi de cadre salarié, contre 22,3% des seniors non retraités
Des différences marquées entre hommes et femmes : 34,1% des hommes sont cadres contre 15,8% des femmes, tandis que 54,6% des femmes sont employées ou ouvrières contre 25,6% des hommes
Plus des deux tiers des emplois exercés dans le cadre du cumul le sont à temps partiel, avec une prédominance plus forte chez les femmes (trois quarts) que chez les hommes (près des deux tiers).
Face à ces constats, la Cour des comptes recommande désormais "l'écrêtement des pensions servies par les régimes de base à hauteur de tout ou partie des revenus d'activité tant que l'assuré n'a pas atteint l'âge d'obtention automatique du taux plein". Cet ajustement vise à recentrer le dispositif sur les retraités modestes tout en encourageant la prolongation d'activité au-delà de l'âge légal.
Le cumul plafonné est renforcé pour éviter les abus
Le cumul plafonné a fait l'objet d'une attention particulière dans la réforme 2025. Alors que le cumul intégral se concentre sur les conditions d'âge et de cotisation, le cumul plafonné encadre strictement les revenus que peuvent percevoir les retraités n'ayant pas atteint les conditions du taux plein.
Comment fonctionne l'écrêtement des pensions ?
L'écrêtement constitue la principale évolution du dispositif depuis la loi du 20 janvier 2014. Auparavant, tout dépassement du plafond entraînait une suspension totale de la pension. Désormais, seul le montant du dépassement est déduit. Ce mécanisme consiste à réduire la pension proportionnellement au dépassement du plafond de revenus autorisé.
En pratique, si le montant de la réduction dépasse celui de la pension, cette dernière n'est tout simplement plus versée. Par ailleurs, chaque régime de retraite applique sa propre règle d'écrêtement, ce qui signifie qu'un même dépassement peut affecter plusieurs pensions simultanément.
Prenons l'exemple de Marc qui perçoit 1 600 € de pensions et un salaire habituel de 1 000 €. Lors d'un mois où son salaire atteint 1 500 €, dépassant ainsi son plafond de 3 000 € de 100 €, ce dépassement sera retiré de chacune de ses retraites obligatoires.
Quels sont les nouveaux plafonds de revenus ?
En 2025, les plafonds ont été revus à la hausse pour s'aligner sur la valeur du SMIC. Pour les salariés, deux modes de calcul s'appliquent, le plus avantageux étant retenu :
160% du SMIC au 1er janvier, soit 2 882,88 € bruts mensuels en 2024
Ou le dernier salaire d'activité brut avant la retraite
Pour les travailleurs indépendants, les plafonds diffèrent selon le statut :
Artisans, commerçants et micro-entrepreneurs : 50% du plafond de la sécurité sociale (PASS), soit 23 550 € en 2025
Professionnels libéraux réglementés : 100% du PASS, soit 47 100 € en 2025
Pour ceux exerçant dans une zone de revitalisation rurale : 100% du PASS
Quelles professions sont concernées par les limitations ?
Les restrictions touchent principalement les retraités n'ayant pas atteint l'âge du taux plein automatique (67 ans) ou ne disposant pas de tous leurs trimestres. Toutefois, certaines professions bénéficient d'un traitement particulier.
Pour les anciens salariés, la reprise d'activité chez le même employeur impose un délai de carence de six mois. Cette condition ne s'applique pas en cas de changement d'employeur.
Les fonctionnaires retraités sont également soumis à des règles spécifiques. Sans éligibilité au cumul intégral, leurs revenus d'activité ne peuvent excéder, par année civile, le tiers du montant brut de leur pension.
Enfin, selon la Cour des comptes, la législation française reste "plus accommodante" que celle des pays comparables, et sa mise en œuvre est "insatisfaisante" faute d'un suivi rigoureux des revenus.
Les retraités modestes sont-ils mieux protégés ?
Contrairement aux retraités aux revenus élevés qui subissent des restrictions importantes, la situation des retraités modestes face au cumul emploi-retraite apparaît plus nuancée en 2025. Le dispositif continue d'offrir une solution précieuse pour ceux dont la pension ne suffit pas à couvrir les besoins quotidiens.
Quelles aides restent compatibles avec le cumul ?
En matière de protection sociale, plusieurs aides demeurent accessibles aux retraités en situation de cumul. Par exemple, les bénéficiaires d'une pension d'invalidité de la CNRACL peuvent accéder au cumul libre sans limite de rémunération. L'Allocation de Solidarité aux Personnes Âgées (ASPA) reste également compatible avec le dispositif selon des modalités spécifiques.
Concernant la maladie, les retraités en cumul emploi-retraite peuvent toujours bénéficier d'indemnités journalières en cas d'arrêt de travail. Néanmoins, depuis le 1er janvier 2021, cette indemnisation est limitée à soixante jours, consécutifs ou non. Cette restriction a permis de réduire la dépense publique de 35 millions d'euros en 2019 à 12,6 millions d'euros en 2023.
Par ailleurs, le droit à pension de réversion n'est pas affecté par l'exercice d'une activité dans le cadre du cumul emploi-retraite, ce qui constitue une protection importante pour les veufs et veuves.
Le cumul est-il encore un outil de complément retraite ?
Pour de nombreux retraités modestes, le cumul emploi-retraite représente une nécessité économique plutôt qu'un choix. Comme en témoigne Colette, 69 ans, ancienne professeure : « Ma pension n'est pas suffisante pour couvrir toutes mes charges. Reprendre une activité me permet de garder la tête hors de l'eau ».
En effet, le supplément de revenus apporté par le salaire de cumul s'élève en moyenne à 9 255 euros bruts par an, équivalent à un mi-temps au SMIC. Cette somme représente environ 40% de la pension moyenne de ces retraités, portant leur revenu total net à environ 2 300 euros par mois.
Néanmoins, ce dispositif apparaît surtout utile pour les personnes aux faibles revenus. Michel, ancien boulanger devenu chauffeur-livreur, le confirme : « On n'a pas le luxe d'arrêter de travailler à 62 ans avec un gros matelas. Beaucoup d'entre nous vivent avec 1 000 euros par mois, et le cumul est vital ».
La Cour des comptes propose une simplification du système
Dans son rapport publié le 26 mai 2025, la Cour des comptes ne se contente pas de critiquer le cumul emploi-retraite, mais propose également des pistes concrètes pour le simplifier. Face à un dispositif jugé trop complexe et insuffisamment contrôlé, l'institution recommande une modernisation profonde des systèmes d'information.
Pourquoi l'automatisation des contrôles est-elle cruciale ?
Actuellement, le contrôle des conditions du cumul emploi-retraite s'effectue uniquement sur une base déclarative. Cette situation est problématique car elle limite considérablement l'efficacité du suivi. Néanmoins, des solutions techniques permettraient d'automatiser ce processus.
La Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) justifie l'absence de priorisation de ce sujet par le caractère marginal de l'activité de gestion liée au cumul. En effet, la faiblesse du contentieux conforte la Cnav dans cette gestion minimaliste, au point que sa feuille de route informatique ne comportait, fin 2024, aucun projet d'automatisation des contrôles.
Cependant, des expérimentations menées par la Caisse des dépôts et consignations pour les régimes d'agents publics démontrent que des améliorations sont possibles. La première enquête fondée sur l'utilisation du dispositif de ressources mensuelles (DRM) a d'ailleurs conduit, en 2023, à augmenter significativement le nombre de retraités contrôlés.
Comment les données DSN et RGCU peuvent améliorer la transparence ?
Le DRM agrège deux bases de données essentielles. D'une part, la base des déclarations sociales nominatives (DSN) alimentée par les déclarations mensuelles de salaires effectuées par les employeurs. D'autre part, la base Pasrau qui collecte les données de prestations sociales et certains dispositifs salariaux.
Parallèlement, le répertoire de gestion des carrières unique (RGCU) enregistre l'ensemble des données permettant de calculer les pensions. Actuellement alimenté une fois par an par les données issues de la DSN, il bénéficiera d'une actualisation en continu à partir du second trimestre 2025, grâce aux développements informatiques conduits par la Cnav.
Cette évolution facilitera la liquidation des secondes pensions via le portail inter-régimes. Par ailleurs, en croisant les données de la DSN avec celles détenues par les caisses concernant les retraités, il deviendrait possible d'automatiser le contrôle du respect de la réglementation.
La Caisse des dépôts assure désormais un suivi statistique des retraités en cumul emploi-retraite à l'aide du DRM. Ainsi, un suivi des indus a été mis en place, témoignant d'une volonté de renforcer la transparence du système.
Conclusion
Une réforme qui redéfinit l'équilibre du système
Au terme de cette analyse, nous constatons que la réforme 2025 du cumul emploi-retraite représente un tournant majeur dans notre système de protection sociale. Sans aucun doute, ces nouvelles dispositions répondent à une double exigence : assainir les finances publiques tout en préservant un filet de sécurité pour les retraités modestes.
Les changements apportés au cumul intégral frappent principalement les hauts revenus. Désormais, avant 67 ans, ce dispositif devient nettement moins avantageux pour ceux qui l'utilisaient comme stratégie d'optimisation financière. Parallèlement, le cumul plafonné se voit renforcé avec des mécanismes d'écrêtement plus stricts et des plafonds de revenus réajustés.
Cette évolution législative reflète une volonté politique claire : transformer un système jugé trop généreux envers certaines catégories privilégiées. La Cour des comptes estimait effectivement que 15% des bénéficiaires profitaient excessivement du dispositif, cumulant des revenus annuels dépassant 100 000 euros avec des pensions déjà confortables.
Néanmoins, cette réforme maintient des protections essentielles pour les retraités aux revenus modestes. Ces derniers peuvent toujours bénéficier d'aides sociales complémentaires et d'un supplément de revenus crucial, estimé en moyenne à 9 255 euros annuels.
L'automatisation des contrôles constitue certainement l'un des défis majeurs pour l'avenir du dispositif. Les recommandations de la Cour des comptes pointent justement vers une meilleure utilisation des bases de données existantes, notamment la DSN et le RGCU, afin de garantir une application équitable des règles.
Finalement, cette réforme 2025 témoigne d'une recherche d'équilibre entre rigueur budgétaire et justice sociale. Malgré les restrictions imposées, le cumul emploi-retraite demeure un outil précieux pour de nombreux Français confrontés à l'insuffisance de leurs pensions. À l'heure où notre système de retraite fait face à des défis démographiques et économiques considérables, ces ajustements apparaissent comme une étape nécessaire vers un modèle plus pérenne et équitable.